“You now have a shorter attention span than a goldfish” (McSPADDEN, 2015)
C’est par ce verbatim qu’une étude publiée par Microsoft il y a 10 ans alertait sur la réduction supposée du temps d’attention de 12 à 8 secondes, mettant ainsi l’individu connecté en situation de capacité d’attention inférieure à celle du poisson rouge. (Microsoft Canada, 2015)
Bruno Patino, alors aux manettes des programmes de France Télévisions, s’inspirera notamment de cette étude pour publier son best-seller “La civilisation du poisson rouge : petit traité sur le marché de l’attention”, ouvrage parfois critiqué pour son manque de discernement et de précision. (PASQUINELLI, 2019)
Cette comparaison a eu le mérite de mettre un coup de projecteur, manquant certes de finesse, sur lé déclin de l’attention, en lien notamment avec l’usage des écrans en espace de formation, et notamment en salle de classe.
D’autres chercheurs ont eux aussi constaté une baisse de la capacité d’attention, mais dans des proportions tout à fait différentes. En fonction des pays et des publics adressés, la durée moyenne d’attention s’établit entre 12 et 16 minutes. (BRADURY, 2017), (STOCKARD et al., 2018)
Indépendamment de la capacité réelle d’attention d’un groupe d’apprenants de l’enseignement supérieur, un point d’accord apparaît quel que soit le corpus étudié, quelle que soit la méthode d’études et qui que soit le commanditaire de l’étude : la capacité d’attention est en baisse, et cela a des conséquences directes sur la capacité d’apprentissage.
Au sujet de l’attention, ressource cognitive qualifiée de rare (CITTON, 2016), il est tentant de réduire les difficultés rencontrées par les formateurs dans leurs contextes de transmission de savoir et de compétences quotidiens à la concurrence inégale représentée par les écrans ou les autres apprenants.
Selon la définition de l’attention du psychologue William James, ce n’est pas tant une question de rareté qu’une question de sélection, puis de fragmentation : “l’attention est la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles […] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres.”. (JAMES, 1890).
Tout enseignant dans le secteur de l’enseignement supérieur, public ou privé, en sciences humaines sociales ou en disciplines scientifiques, en post-bac ou en dernière année de master, s’est vu confronté à des difficultés similaires : dispersion des regards, absence de réaction à une question simple posée à l’oral, bavardages entre apprenants, posture physique désengagée, etc.
Ces éléments perturbateurs ont toujours été présents dans les salles de classe. Les supports numériques individuels, qu’ils soient téléphone, ordinateur ou tablette, n’ont fait qu’accélérer et augmenter la portée de ces perturbations. (BOUSQUET-BERARD & PASCAL, 2024) L’envoi et la réception d’un message sur Whatsapp, Snapchat ou toute autre plateforme d’échange remplace la transmission du message papier, de main en main. Les apprenants ne regardent plus par la fenêtre pour y trouver une distraction, les écrans apportent cette respiration recherchée.
Les apprenants n’ont pas muté, leur capacité à se disperser n’a pas augmenté, on leur a simplement facilité la tâche.

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